Monsieur le Préfet, En janvier 2011, j’adressais à votre prédécesseur un courrier afin de l’informer de la situation de Frédéric Lievy, résidant et propriétaire d’un terrain familial sur la commune de Frouzins, et menacé de destruction de son habitation ainsi que de son exploitation agricole. Dans sa réponse, il m’assurait d’une étude approfondie du dossier. Etant donné que plus d’une année est désormais passée et que les poursuites ont toujours cours, je viens vers vous afin de vous informer des derniers éléments du dossier dont j’ai connaissance. Je vous demanderais en retour, de bien vouloir me faire part des actions entreprises par la Préfecture sur cette affaire. Tout d’abord, je tiens à rappeler que lors du procès en première instance, ayant eu lieu le 22 février 2011, au vu de la bonne volonté apparente de Monsieur Le Maire de frouzins, pensant vraisemblablement qu’une conciliation serait possible, le juge a fait une demande d’ajournement de peine. Et ce afin de laisser le temps à Frédéric Lievy de déposer une nouvelle demande de permis de construire. On avait alors tout lieu de penser que l’on irait vers une dispense de peine. A ce sujet, d’aucuns affirment que Monsieur Lievy aurait été victime d’être trop respectueux de la loi … car sa première demande de permis de construire n’ayant pas été instruite dans les délais, il se trouvait en situation d’autorisation de fait. Mais voulant être reconnu, il a en toute bonne fois déposé de nouvelles demandes qui ont toutes été systématiquement rejetées depuis. Pourtant, avant de déposer cette dernière demande de permis, Frédéric Lievy et son collectif de soutien ont organisé une réunion avec Monsieur le Maire, afin de prendre connaissance de l’ensemble des pièces nécessaires au dossier. Cela n’a pas empêché le refus de cet énième permis. De nouvelles pièces sont encore demandées, et la Chambre d’Agriculture précise dans son avis « qu’en l’absence de nouvelle pièce au dossier » sa décision était la même. Pourtant, de nombreuses pièces ont alors été ajoutées au dossier : il est constitué de pas moins de onze pièces justificatives validées en bonne et due forme par les autorités. Pour le constituer, Frédéric Lievy a notamment fait appel à un architecte et à ingénieur géologue et a justifié de manière détaillée dépasser le revenu-seuil nécessaire. Comment son exploitation peut-elle ne pas être considérée comme viable alors qu’il prévoit 1800 euros par mois de revenus ? Le 17 octobre 2011, le délibéré est communiqué : il est condamné à détruire son habitation et ses bâtiments d’exploitation dans les 12 mois à venir. Une bonne nouvelle suivit tout de même cette triste annonce: la Préfecture de la Haute-Garonne a engagé une procédure de médiation à la Sous-préfecture de Muret avec le Sieanat, la famille Lievy et le Maire de Frouzins. La Sous-Préfecture a ensuite pris contact avec la Chambre d’agriculture dont le Président a demandé à ce que de nouvelles pièces faisant valoir l’existence d’une activité agricole confortant la nécessité d’obtenir une autorisation d’implanter une construction sur site soient ajoutées au dossier. Frédérique Lievy et son collectif ont donc décidé de s’orienter vers un syndicat agricole reconnu pour qu’il atteste de sa situation. Après avoir visité l’exploitation en février 2012 et avoir organisé plusieurs réunions, l’attestation en question a été délivrée et transmise à la Chambre d’agriculture. Y est écrit noir sur blanc « on doit constater que le projet agricole que Monsieur Lievy porte depuis 2007 se développe et présente une existence d’une durée suffisante (5ans) pour montrer d’une part que le projet n’est pas de circonstance (en somme que Monsieur Lievy ne porte pas une installation agricole dans le but de construire un habitat à titre dérogatoire) d’autre part, que la viabilité est atteinte. » Ceci étant, le collectif n’a ensuite reçu aucune réponse : face à ce silence, la LDH a de nouveau écrit à la Sous-Préfecture qui lui a adressé le 26 juin une fin de non-recevoir rappelant qu’une décision de justice avait été prise … La médiation a donc été avortée et la situation est de nouveau bloquée. Je ne puis m’expliquer ce soudain revirement de situation. Je tiens à préciser qu’au-delà du cas particulier de la famille Liévy, ce qui est devenu « l’affaire de Frouzins » est suivie avec une grande attention par l’ensemble des institutions et associations impliquées dans les questions relatives à l’intégration des Gens du voyage ainsi qu’à la diversité des types d’habitats. Le Ministère du logement et de l’égalité des territoires, de même que la Commission européenne sont également informés de cette affaire emblématique. De plus, la Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, dite loi SRU, dispose que les documents d’urbanisme doivent tenir compte de la diversité des types d’habitats et ne peuvent interdire de manière général ou absolue les résidences mobiles ou légères sur les propriétés de leurs habitants qui doivent être considérées comme les autres types d’habitations. Cela ne semble pas être le cas en ce qui concerne la commune de Frouzins. Pour mémoire, plusieurs députés de divers partis ont apporté leur soutien à Monsieur Lievy, dont Monsieur Kader Arif. Par ailleurs, dans une réponse au collectif de soutien, datée du 14 septembre 2012, Monsieur Hollande, le Chef de 1’Etat, explique qu’il « est déterminé à rassembler ses concitoyens dans une République fondée sur les valeurs de justice, d’éga1ité, de tolérance et de progrès, et à mettre un terme aux discriminations que subissent les gens du voyage. » C’est pourquoi il n’a pas « manqué de signaler [la] démarche au Préfet de la région Midi-Pyrénées, Préfet de la Haute-Garonne, en lui demandant d’examiner attentivement la situation de la famille LIEVY.» Enfin, vendredi dernier, le Conseil constitutionnel a pris la décision de supprimer le carnet de circulation ainsi que le délai d’attente de trois ans avant qu’un voyageur puisse être inscrit sur les listes électorales d’une nouvelle commune. Si cette décision n’est qu’en demi-teinte, elle va tout de même dans le sens de l’histoire, c'est-à-dire vers la suppression d’un statut dérogatoire pour les Gens du voyage : afin qu’ils ne soient plus des citoyens français à part, mais bien à part entière. Je me tiens votre entière disposition pour plus de précision sur ce dossier et vous remercie de m’assurer que vous allez faire reprendre la médiation et qu’il n’y aura aucune expulsion de cette famille tant que celle-ci n’aura pas abouti. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes sentiments distingués. Catherine Grèze Députée européenne du Sud-Ouest |